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Le transfert de compétences entre les secteurs privé et non-lucratif, un atout pour les deux mondes - Mathilde Carré-Lombard

Entretien avec Mathilde Carré-Lombard, fondatrice du cabinet de recrutement WIDE ANGLE Human Resources

Comment vous présenteriez vous ?

Je suis Mathilde Carré- Lombard, je travaille depuis 30 ans dans le recrutement et le développement des Ressources Humaines, principalement pour des entreprises du secteur privé.
Mon parcours professionnel m’a amenée, dans le travail temporaire notamment mais pas seulement, à m’impliquer dans l’insertion ou la réinsertion des jeunes, des seniors, de personnes en difficulté. J’ai eu la chance de travailler en partenariat avec des missions locales, des associations, des cabinets d’outplacement, à une époque où les secteurs du recrutement et du conseil RH était moins « concurrentiels » et à mon sens beaucoup plus centrés sur l’humain. En tout cas, ce sont l’aspect humain et l’impact social que je pourrais avoir qui ont guidé mon choix de carrière. 

En tant que recruteuse dans le secteur privé, quelles compétences clés identifiez-vous souvent chez des candidats venant du secteur privé qui pourraient être particulièrement utiles dans un contexte non-lucratif ou humanitaire ?

Il y a un certain nombre de compétences directement transférables du secteur privé au secteur non-lucratif ou humanitaire qui ressortent. 

Il faut néanmoins souligner que, tout comme dans le secteur privé, le secteur humanitaire ou non lucratif recherche souvent en premier lieu une expertise précise. C’est justement cette expertise spécifique qui constitue un des premiers critères de sélection et de transfert du secteur privé vers le secteur non lucratif et humanitaire: on recherche des médecins, des spécialistes, des infirmières,… quels que soient ses « soft skills »,  personne ne peut s’improviser médecin, pédiatre, ingénieur ou électricien...et lorsqu’il s’agit de construire une école, des habitations, une centrale thermique ou un puits, l’expertise technique est incontournable. 

Il y a cependant de nombreuses compétences transférables, telles que la gestion de projet : les candidats venant du privé sont souvent très structurés dans leur approche, capables de planifier, d’organiser et de suivre des projets de manière rigoureuse et sur le long terme. 

Ensuite, il y a la gestion budgétaire: dans un contexte où les ressources sont limitées, la capacité à optimiser les budgets et à faire plus avec moins est cruciale, et cette compétence est souvent bien maîtrisée dans le privé. 

La négociation et la gestion des parties prenantes sont également des atouts précieux, que ce soit pour lever des fonds, négocier des partenariats, ou mobiliser des acteurs autour d'une cause. 

Enfin, la résolution de problèmes et l'agilité sont des compétences fortement développées dans le privé, en particulier dans des secteurs en évolution rapide, et elles s'avèrent très utiles dans le monde non-lucratif où les environnements sont souvent instables ou imprévisibles.

Quels conseils donneriez-vous à des professionnels qui souhaitent passer du secteur non-lucratif ou humanitaire au secteur privé, pour mettre en valeur leur expérience auprès des recruteurs privés ?

Je vous conseille de traduire votre expérience en termes de résultats mesurables et de compétences transférables. 

Dans le secteur privé, les recruteurs cherchent souvent des preuves concrètes de l'impact qu’un candidat a pu avoir dans ses missions. Par exemple, si vous avez dirigé une campagne humanitaire, montrez comment vous avez atteint des objectifs spécifiques, levé des fonds, ou optimisé des ressources sous contraintes. 

Soulignez également vos compétences en leadership, gestion d'équipe et gestion de projets complexes, car ces compétences sont également très valorisées dans le secteur privé. 

Enfin, l’adaptabilité, une compétence clé acquise dans le secteur humanitaire, peut être mise en avant, car elle démontre une forte capacité à naviguer dans des environnements changeants et parfois chaotiques.

D’après votre expérience, quelles sont les différences majeures en matière de compétences comportementales (soft skills) entre les profils issus du secteur privé et ceux du secteur humanitaire ? Et comment ces différences peuvent-elles être des atouts dans le cadre d’un changement de secteur ?

De par la nature même de l’activité économique de leur entreprise, les candidats venant du secteur privé sont souvent très orientés résultats, avec une forte culture de la performance et de la compétitivité. Ils ont souvent une excellente capacité à prendre rapidement des décisions impactantes, tout en s’appuyant sur un budget prédéfini, des indicateurs et des données tangibles. Ils sont habitués à gérer les risques et à négocier de manière stratégique. 

Ces mêmes contraintes existent dans le secteur non-lucratif.
Mais les acteurs du secteur humanitaire sont en outre confrontés à des réalités et à des situations humaines particulièrement complexes et éprouvantes.
Ce qui les amène souvent à développer une grande empathie, un sens prononcé de l’écoute et de la collaboration, avec un focus plus marqué sur la mission que sur la rentabilité. 


Cette capacité à créer du lien et à travailler de manière collaborative peut être un véritable atout dans des environnements où l'humain est central, y compris dans le privé. Ces soft skills complémentaires peuvent vraiment se nourrir mutuellement, créant des « profils hybrides » très riches en cas de transition d’un secteur à l’autre.
Pouvez-vous partager un exemple de candidat ayant réussi une transition du privé vers le non-lucratif, ou inversement, et les compétences qui ont fait la différence dans ce changement de carrière ?

Je connais en effet plusieurs personnes qui ont effectué cette démarche. 

Je pense à une de mes relations, qui a effectué au cours de sa carrière plusieurs « aller-retours » entre ces deux univers. Après avoir été DRH d’une ONG pendant deux ans, elle a été recrutée par un cabinet d’avocats international pour le même poste.  Dans les années qui ont suivi elle a eu l’opportunité de revenir au secteur non lucratif à travers des missions ponctuelles. Aujourd’hui consultante dans le privé, elle est également bénévole dans le secteur non-lucratif. Au-delà de ses compétences en Management des Ressources Humaines, elle a eu la chance de rencontrer des recruteurs ouverts à des candidats venant d’autres horizons et n’ayant pas une expérience strictement calquée sur leur modèle. Ayant elle-même recruté en ONG, elle confirme qu’il est plus « simple » d’opérer des transferts de compétences d’un secteur à l’autre pour les fonctions support.

Alison Calleja (elle m’a autorisée à la citer) a fait le parcours inverse.
Elle a d’abord exercé pendant 5 ans dans le secteur public, en tant que Directrice d’un département de fonds européens visant à aider les ONG et les municipalités à accéder aux financements de l'UE .
Attirée par l’entreprenariat, elle a décidé de transférer son expertise en financements européens vers le secteur privé, en créant Funds360.eu.
Depuis dix ans elle accompagne ses clients, TPE et PME du secteur privé et ONG principalement, dans l’obtention de financements européens, de la constitution de leurs dossiers à la mise en œuvre des projets subventionnés.
Le bilan de sa transition vers le secteur privé est positif, dit-elle, pour la diversité des projets qu’elle accompagne et pour le développement de ses com pétences entrepreneuriales.

Quels types de secteurs et d’entreprises du secteur privé valorisent particulièrement l’expérience acquise dans le secteur non-lucratif ou l’humanitaire ?

Il s’agit surtout de celles qui se sont fortement engagées dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ou bien de celles qui souhaitent mettre en place une telle démarche. Elles recherchent en général des talents ayant une connaissance fine des enjeux sociaux et environnementaux actuels et qui accordent particulièrement d’importance à l’impact de leurs actions au présent comme pour l’avenir. 

Ces entreprises valorisent la connaissance approfondie du contexte économique, social et culturel, mais aussi industriel et environnemental de la zone géographique où elles souhaitent déployer leur action. Sans oublier la compréhension des facteurs géopolitiques, qui est indissociable du reste.


Les fondations d’entreprises, les départements de communication et de relations publiques qui gèrent des partenariats avec des ONG, ou encore les équipes de développement durable sont des acteurs qui valorisent ces expériences et expertises acquises  « sur le terrain », pas uniquement de manière théorique. 

De même, les fonctions liées au management des risques ou aux relations institutionnelles peuvent bénéficier de l’expertise de ceux qui ont travaillé dans des contextes humanitaires complexes. Dans ces domaines, les compétences en gestion de crise, coordination internationale, de gestion de projets et d’équipes  en environnement multiculturel sont particulièrement recherchées.

Conclusion

Merci Chahrazed pour cette interview croisée, qui met en lumière des perspectives complémentaires entre le secteur privé et non-lucratif, et démontre que les passerelles entre ces deux  mondes existent bel et bien, avec de belles opportunités de transfert de compétences !

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Pierre van Male Pierre van Male

Free ChatGPT Guide for Aid Workers

Today, we're excited to share a free ChatGPT 3.5 guide tailored specifically for aid workers, both aspiring and experienced.
This guide is particularly useful for those who haven't yet explored the potential of AI, providing not only detailed explanations but also practical examples to show how it can streamline your job application process.
At Humanitarian Career Consulting, we understand how challenging and time-consuming it can be to tailor your CV and cover letter for each application, especially when you're applying to numerous positions. ChatGPT is more than just a tool—it's a powerful ally that can save you significant time and effort. The tool will never replace your human brain but can make you gain some time.
We hope this guide proves to be a valuable resource for you. Please feel free to read, download, and share it if you find it helpful!
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Chah Ananas Chah Ananas

Personal Branding for Aid Workers: Why It Matters!

Humanitarian Work—A Professional Career Like No Other

Humanitarian work is far more than volunteerism. It’s a profession, requiring a unique combination of technical expertise, leadership, and strategic thinking. Just like in any other field—whether it's finance, engineering, or law—humanitarians need to approach their careers with the same level of thoughtfulness. And in today's world, that includes managing a personal brand on LinkedIn.

In the corporate world, professionals actively use personal branding to showcase their skills, connect with the right people, and move their careers forward. For aid workers, the same principles apply, though with a few important differences.

One of the most effective tools for managing your career is LinkedIn. It gives professionals a platform to highlight their experiences, build meaningful connections, and create visibility around the causes they care about. However, many humanitarian workers feel uneasy about the idea of personal branding, worrying that it’s too self-promotional or clashes with the ethics of the sector.

This article will explore the reasons why aid workers often resist personal branding, why it's crucial for their career growth, and how it can be done in a way that aligns with the core values of humanitarian work.

Why Aid Workers Are Hesitant to Embrace Personal Branding

It’s common for aid workers to feel uncomfortable with the concept of personal branding. For most of them, it feels unnatural, even contrary to the principles that led them into the field in the first place. But there are several reasons for this discomfort:

  • Modesty and Ethical Concerns: Humanitarian work is often rooted in values of service and humility. Aid workers may feel that promoting themselves on platforms like LinkedIn could be perceived as putting the spotlight on themselves instead of the communities they serve.

  • Fear of Judgment: The humanitarian community is closely connected. Many aid workers worry that engaging in personal branding could come off as boastful or be frowned upon by their peers. The fear of being judged as self-serving can lead to hesitation.

  • Generational Gaps: Some experienced aid workers, especially those who started their careers before the rise of social media, may find LinkedIn and other online tools foreign or unnecessary. They’ve built careers without them and might question the need for a personal brand now.

  • Institutional Focus on Technical Skills: In the humanitarian sector, organizations often emphasize technical expertise, such as fieldwork or project management, over skills like personal branding or professional networking. Unlike corporate professionals, aid workers rarely receive guidance on how to present themselves to the broader sector.

  • Lack of Time and Focus: With the demanding nature of humanitarian work—often juggling crises, deadlines, and operational challenges—building a personal brand may seem like a luxury. The pressure of real-world responsibilities can make it difficult to prioritize a LinkedIn profile.

Despite these factors, it’s important to debunk the idea that personal branding is only necessary when you're actively searching for a new job. In fact, aid workers should be developing their personal brand consistently, just as corporate professionals do. By building your presence over time, you ensure that when the moment comes to seek new opportunities, your professional reputation is already strong and visible.

Why Personal Branding Is Essential for Aid Workers

Even with the discomfort aid workers may feel, personal branding is not only important—it’s vital for several key reasons:

  • Visibility for Career Advancement: The humanitarian sector is highly competitive. Personal branding on LinkedIn allows you to stand out. Whether you're looking for a new role or exploring consultancy opportunities, having a visible online presence opens doors.

  • Showcasing Expertise: Aid workers bring a wealth of field experience and technical skills to their roles, but this expertise often remains invisible outside of direct evaluations. LinkedIn offers a space to share your knowledge and position yourself as a thought leader in areas like protection, migration, or disaster response.

  • Networking Opportunities: LinkedIn is a powerful tool for making connections with like-minded professionals, INGOs, and donors. A strong personal brand helps you engage in meaningful discussions, find mentors, and build collaborations that can elevate your work.

  • Amplifying Causes: Personal branding isn't about self-promotion—it's about raising awareness for the causes you care about. By sharing your field experiences and insights, you can contribute to the global dialogue on humanitarian issues and elevate the voices of the communities you serve.

Just as corporate professionals leverage personal branding to boost their careers, aid workers can use it to enhance their networks, expand their influence, and advocate for the causes that are closest to their hearts.

Specificities of Personal Branding for Aid Workers

The key to effective personal branding for aid workers is staying true to the values and ethics of the sector. Here are a few ways to build a personal brand that aligns with the nature of humanitarian work:

  1. Focus on the Mission, Not Yourself Aid workers should frame their personal brand around the mission. Rather than highlighting individual accomplishments, share stories about the impact you've contributed to, the lessons learned from the field, or reflections on challenges. This approach shifts the narrative from self-promotion to advocating for humanitarian causes.

  2. Share Thought Leadership, Not Just Accomplishments Position yourself as a thought leader by sharing insights, reflections, and key lessons from your experience. Write posts about trends in the sector or comment on pressing humanitarian issues. This builds credibility and shows that you are engaged with broader sector challenges.

  3. Engage in Meaningful Conversations Personal branding isn't just about posting content—it’s about engaging with others. Join discussions around topics that matter in your field, comment on posts, and share valuable resources. This fosters knowledge-sharing networks and positions you as an active contributor to the community.

  4. Balance Professionalism with Passion Aid workers should demonstrate both their technical expertise and the passion that drives them. A well-rounded LinkedIn profile reflects not only your professional abilities but also your commitment to the work you love

Humanitarian Work Is a Career, and It Should Be Managed Professionally

Humanitarian work is a professional career, not just a calling. It demands the same level of career management as any other profession. Aid workers, often deeply committed to the well-being of others, deserve to be recognized not only for their service but also for their expertise and dedication.

Building a personal brand on LinkedIn is part of managing that career—helping aid workers showcase their skills, advocate for causes, and connect with professionals who share their values. The key is to approach personal branding proactively—not just when you’re seeking a job—but as an ongoing part of your professional journey. And it can all be done while staying true to the humanitarian mission.

By engaging thoughtfully and authentically, aid workers can build a personal brand that reflects their passion, enhances their career, and contributes to the broader mission of global humanitarianism.

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